tranche de gens bons
Hier, je me suis payé une toile avec Madame. Ca commençait mal quand j’ai voulu parquer mon char. Tain’, cette charmante municipalité a salopé le paysage urbain en plantant des parcmètres un peu partout. Joyeux Noël !
C’est une ville connue. C’est la crème. Inscrite dans les guides comme la capitale du cheval. De l’élégance hippologique m’encanaillerais-je lexicalement; foin de barbarie hippophagique ici ! que du gratin. Un château, un hippodrome… Rien que devant le cinéma, j’ai trouvé stationnées une Aston Martin derrière une Maserati. Ben ça coûte cher tout ça. Que des nécessiteux, donc taxes supplémentaires et coup double pour faire fuir l’éventuelle racaille égarée. Et à propos de garée, j’ai finalement trouvé une place gratuite. Point de radinerie dans mon comportement, mais le parking est limité à 2h15. Et le film que j’allais voir, c’est 2h40. C’est d’un pratique. La crème, vous dis-je. J’ai mis mon Berlingot, juste devant un autre Berlingot. Et puis, devant mon Berlingot, il y avait un arbre. C’est plus facile à retrouver parce que le brouillard persistait hier.
Puis, ça a continué à mal commencer. C’est un film qu’il faut savourer avec des lunettes espéciales. Bon, je sais, j’ai déjà des lunettes, c’est pas forcément pratique de rajouter des lunettes sur des lunettes, mais je ne me rends pas au ciné tous les jours, tant qu’à faire si je peux bénéficier de la totale… Ben non, point de lunettes… Point d’équipement idoine nous renseigne le quidam préposé à la distribution des billets…
Une fois pénétré dans le sanctuaire, le difficile choix de la place. Le problème est très vite résolu. Si entre deux rangées de fauteuils l’espace est similaire à celui de la classe éco sur Air France, je choisis le siège près de la travée, comme dans l’avion. C’est à cause de mes jambes. Elles sont un peu plus longues que la moyenne. Je ne m’en plains pas au demeurant, les inconvénients restant assez circonscrits, aux vols transatlantiques, surtout avec un voisin souffrant de surcharge pondérale, et aux nuitées dans les lodges du sous-continent indien. Le lit. Là, ça craint. Mais j’habite le Val d’Oise en général.
Dans le cas qui m’intéresse, la place semble suffisante pour accueillir ma carcasse vieillissante et le handicap de ses membres inférieurs. Donc hop, au milieu. Et le bon peuple de s’installer alentours afin d’un partage œcuménique dans la communion cinématographique. Des jeunes. Pas de casquettes ici, pas de musulmans, pas d’Africains. Que de l’engeance pour Morano. Des grands-parents et leurs petits-enfants. Là, déjà, carton rouge. 2h40 ? Ca va pas le faire.
A l’entrée, je veux dire juste au-dessus de la porte à double battants qui permet d’accéder à la salle et de s’entertainmenter, un panneau : Eteignez vos portables. Rappel pendant la récré mercantile de la réclame, et ben non : tous les mômes de jouer avec leurs portables, et des lumières bleutées qui parasitent toute tentative de concentration.
Le film commence. Là, le carton rouge est pour moi.
VF.
Princesse se retourne vers moi. Une seconde de trop. Elle me fixe dans les yeux. C’est le désaveu. En général, quand ma mie me fixe ainsi, les mots suivent : je t’aime. Là, cette seconde supplémentaire muette, c’est la tasse.
Tain’ une VF… J’ai pas vérifié.
Ca commence et les mômes à droite et à gauche de consulter leurs portables !!!! Alors que les premières images défilent depuis plusieurs minutes. Je les imagine devant les copies du Bac.
Le film, ça commence doucement. On dirait les Schtroumpfs dans le fabuleux jardin de Polly Pocket et ses cousins à la chasse aux champignons.
C’est un film américain, donc en premier lieu pour le public américain, la compréhension devant ainsi en être facilitée, les bons sont en bleu, les méchants en kaki.
Puis, on se laisse doucement envahir autant que l’on puisse se concentrer parce que 2h40, tu parles d’un voyage. Alors on se lève pour aller aux toilettes, on ramène du pop-corn, on commente, on télécommente même, puisque les portables s’allument sporadiquement ici et là, et Princesse de se raidir au fur et à mesure craignant que je ne me lève pour confisquer le matériel, additionnant le tout de quelques baffes. Et ben que nenni. Tout zen du début à la fin. Je dois avouer que j’ai une technique imparable pour rester impassible. Le Dolby Surround machin insupportable, la VF insupportable, je me colle des boules Quiès dans les oreilles. Efficacité garantie. Zen. Ca peut pas marcher avec tous les films. Un Pasolini ou un Moretti, ça va pas être possible. Et puis, je peux me concentrer sur le message, même avec une grève de l’acheminement, on peut pas passer à côté, soit ici le sentiment de la perte de la nature que nous commençons tous à partager plus ou moins confusément. Très confusément, dans le lieu qui nous occupe, parce que pour le recyclage des déchets de toutes sortes jonchant la salle à la fin, faudra repasser…
Finalement, ça s’est assez bien déroulé. Madame était contente et du film et de mon comportement.
Allez, à l’année prochaine…
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