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Exilythiques
1 juillet 2009

Sisyphe

1_07_2009

Mon école à moi, c'est une vieille école en meulières et tout et des drapeaux qui claquent au vent. Côté rue, tout en haut du bâtiment, c'est gravé Filles et puis un peu plus loin Garçons. Côté cour, on a gravé sur la porte des chiottes, chez les garçons bien entendu, Blasset Florian 5" 7. Va savoir ce qui s'est passé dans ce laps de temps. Une flèche du popo ? En cherchant bien, caché derrière les frondaisons sur la rue, on peut  lire Liberté, Egalité, Fraternité. Mais ça, ça  veut rien dire. C'est un truc de vieux, un truc d'avant. Mais quand on franchit l'enceinte, on fait comme si, comme pour de vrai. On tisse du lien social, inlassablement, un machin à la Sisyphe.
Mais, comme le montre Camus dans Le Mythe, même si notre héros est un peu neuneu tant dans le désespoir de vouloir échapper à un sort inévitable que dans la tentative d'achever un travail interminable et sans issue, la vie, malgré l'absurdité du destin, vaudrait la peine d'être vécue. Mouais... j'file un mauvais coton là...
Dans les murs, c'est dirigé à l'ancienne. La patronne, elle fait directrice, animatrice, paratonnerre, pompier, assistante sociale, mécanicienne es photocopieuse, conseillère syndicale, fusible, standardiste, bref, là elle plie les gaules et c'était hier soir et y avait du punch et ça doit être ça qui me rend optimiste ce matin. Pour la nouvelle direction, on avait le choix entre Charybde et Scylla, je sais plus c'est qui qu'a remporté la mise.
Hors les murs, c'est la banlieue et l'attraction  principale cernée par un parking, le temple et ses marchands à quelques pas de l'école : Leclerc. A l'intérieur du centre commercial, longeant la 4 voies, on trouve le centre culturel. Si, si, c'est comme ça qu'on dit. C'est à dire l'espace où le chaland peut consommer du cd, du dvd, du bouquin et toutes sortes de gadgets multimédia. De temps en  temps, une attraction culturelle quoique consumériste vient égayer le samedi après-midi du badaud avec des invités prestigieux comme Hervé Villard ou Richard Anthony, je sais plus, enfin un qu'est pas mort. La classe quoi.
Les mômes, on les prépare tôt à arpenter les allées des supermarchés. D'ailleurs régulièrement en classe, je leur rappelle que les travées entre les tables ne sont pas les allées entre les gondoles, que je n'ai rien à vendre, que je ne m'appelle pas Pujadas et qu'ils ne pourront jamais me zapper. Prenez leurs cartables. Maintenant on les tire au bout d'une poignée télescopique. (Elise... choupette...). Je croyais même qu'ils venaient en avion, Roissy étant à côté. Finalement, ça ressemble au panier à roulettes qu'on traîne dans les supermarchés, là où la vie est moins chère. A ce propos, hier matin, une mère d'élève débarque, arraisonne un de mes camarades, et de lui demander à quelle heure on fermait ce soir... Celui-ci de lui répondre qu'il allait se renseigner auprès du chef de rayon. On est taquins...
Moi, j'm'en fous, j'suis remplaçant. C'est mieux payé. Mais j'aime bien cette école, alors je m'incruste. Je faisais un mi-temps thérapeutique sur le poste d'un collègue qui s'en va tout doucement, bouffé par une saloperie de maladie. On a réussi à lui coller un poste réservé sur l'école et moi j'prends sa classe. Il veut pas lâcher le morceau. Pour parcourir cent mètres, ça lui prend 5 minutes. Je crois que moins il marche, plus je cours. Il y a quelques semaines, je l'ai tellement fait rire, que sous les saccades, les secousses du fou rire, il a perdu l'équilibre et basculé à la renverse, sa canne ne lui étant d'aucun secours. M'a fait peur ce con. Il était ceinture noire de karaté et ce n'est plus qu'un grand corps malade présent tous les jours. Tous les jours.
Je m'incruste. Y a rien à faire. Mes camarades et moi, croyons toujours qu'à l'école, la vie est plus chère.

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Commentaires
C
Bonnes vacances.
F
Pas fondu le Caillou ?
F
Sinon à part, j'suis plutôt un être sociable... Nan, j'déconne...
F
Ben ouais, je sais mon pépère... La mascarade ? elle est dehors avec les beaufs en 4.4 roulant sur les trottoirs, les saloperies défilant 24h sur 24 à la téloche, les montagnes de merde qu'on nous vend dans les supermarchés, le dernier discours de Fillon... Quand j'en vois un faire le con sur la route, j'suis toujours prêt à m'arrêter pour lui en coller deux. Quand un môme traverse en dehors des passages, je le rappelle à l'ordre, quand mon voisin me fait chier avec sa tondeuse, je vais lui dire deux mots. A l'école, on apprend à se respecter et à avoir confiance. Et pi grâce à nos bons maîtres, on va pouvoir faire ça encore plus longtemps... et'd'sa mère...
C
Une fois que j'ai fermé le portail, l'utopie peut commencer, je sonne la cloche et le monde dans lequel on se met à vivre est exactement celui que j'ai inventé.<br /> ( Je dois préciser, pour le cas, improbable certes, où quelqu'un de ma vraie vie viendrait fouiner ici, que je plaisante, bien sûr, un peu...)
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